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Maîtriser les conditions de vie de ses animaux jusqu’au bout.

 

Le texte définitif du projet de loi « Pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous » autorise les abattoirs mobiles en France, à titre expérimental, et pour une durée de quatre ans. Afin de juger ensuite de la prolongation éventuelle de ces outils, ces expériences feront l’objet d’une évaluation sur la viabilité économique et l’impact sur le bien-être animal.

Le 28 novembre 2017, le CIVAM des Défis Ruraux proposait aux éleveurs de leur région une journée de présentation de la démarche du Bœuf Ethique. Rencontre avec un participant : Frédéric Durand, éleveur allaitant en vallée de Seine…


Les Défis Ruraux : Pourquoi as-tu souhaité participé à cette journée ?

Frédéric Durand : Je pratique un élevage extensif en vallée de Seine depuis près de 20 ans. J’accompagne mes animaux au quotidien, en leur apportant les meilleures conditions de vie, dans le respect de leurs besoins… Au final, faire partir mes bêtes à l’abattoir m’a toujours semblé une hérésie.

Parce que tu ne maîtrises plus leur bien-être ?

Effectivement. Même si certains abattoirs mettent en place divers dispositifs pour limiter le stress des animaux, il faut bien l’admettre : entre l’embarquement parfois musclé, le transport en camion avec d’autres animaux voués au même sort et les différents points d’attente une fois sur place, le dernier voyage de nos vaches est loin d’être une promenade de santé !

Et l’impact sur la viande ?

Les dernières minutes d’un animal dans un abattoir classique peuvent être désastreuses sur la qualité de la viande à cause des effets du stress sur sa maturation. C’est assez dommage de travailler pendant des années pour fournir aux consommateurs une viande saine et de qualité et que ce travail soit réduit à néant par une fin de vie mal maîtrisée.

C’est cela qui t’intéresse dans cette démarche, la maîtrise ?

Oui ! Accompagner ses animaux jusqu’au bout, savoir qu’ils ne quittent pas leur lieu de vie et ignorent ainsi que leur fin arrive. C’est rassurant ! Je rêvais parfois de cette solution, sans savoir qu’elle existait déjà dans certains pays, notamment en Suède, depuis maintenant 4 ans*.

Alors, à quand le Bœuf Ethique en vallée de Seine ?!

Je suis prêt ! J’attends seulement qu’ils soient prêts de leur côté... Le problème sera peut-être de mobiliser suffisamment d’éleveurs dans la région pour que le déplacement de l’abattoir mobile soit rentable et éthique en termes de déplacements.

Tu comptes vendre toutes tes bêtes par ce débouché ?

Non, d’autant que je vends une douzaine de bêtes par an en vente directe. Sachant que le Bœuf Ethique assure sa propre commercialisation, il me faudra, hélas, revenir à un abattage plus traditionnel pour mes animaux valorisés en direct aux consommateurs. Et c’est bien dommage !

Il ne faut pas oublier non plus qu’en tant que démarche totalement innovante, le Bœuf Ethique se retrouve seul à parcourir toute la France. Il n’est donc pas envisageable de le faire passer en Normandie aussi souvent qu’il le serait nécessaire pour coïncider avec le rythme de finition de mes catégories d’animaux.

Le Bœuf éthique : cahier des charges, organisation et traçabilité

Quelques points de détails retenus par notre éleveur

Ce projet est entièrement porté par la société « Le Bœuf Ethique », créée par Emilie Jeannin. Cette société s’apprête à mettre en circulation des abattoirs mobiles pour les bovins dans le Grand Est de la France. Une première en France. Le projet comprend deux abattoirs fixes, qui constituent des bases, autour desquels les camions d’abattage peuvent rayonner dans un périmètre de 300 km. Ces camions pourront tuer environ 35 animaux par jour.

Leur charte impose de bonnes conditions d’élevage, un maximum d’herbe pâturée et des animaux d’un poids carcasse de 380 kg: on ne vise pas des bêtes à grosse génétique conduites de manière intensive mais des animaux valorisant au mieux les surfaces en herbe et les fourrages grossiers pendant l’hiver.

La qualité des animaux sélectionnés sera sublimée par une durée et des conditions de maturation optimum (15 jours à 3 semaines étant idéaux, dans de bonnes conditions de température, humidité, etc.) associée à une suspension pelvienne des carcasses (plus respectueuse des muscles).

L’abattoir se déplace pour 10-12 bêtes avec au préalable une visite pour convenir d’un prix carcasse. Des bonus pourront être appliqués selon le retour des consommateurs (sur des critères de persillé, tendreté, flaveur, etc.). L’abattoir mobile met deux heures pour s’installer, et deux heures pour se désinstaller. Il est autonome en déchet et en eau.

L’éleveur sera tenu informé du lieu de vente où sera commercialisée sa viande.

Pour en savoir plus sur le bœuf éthique : https://www.facebook.com/Le-Boeuf-Ethique-913644505448203/

 

 

* http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/09/20/en-suede-un-abattoir-mobile-se-deplace-de-ferme-en-ferme_5000359_3244.html

Photos : Arnaud Bertereau - Agence Mona

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