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Nos repreneurs trouvent que nous sommes à l’écoute et que nous répondons à leurs demandes pour qu’ils s’installent.”

Le couple de cédants pensait que leur ferme n’était pas reprenable et les trois candidats amis disaient ne pas vouloir s’installer en volailles. Finalement un contrat de parrainage a démarré en début d’année et la transmission semble en bonne voie.

Elle, c’est Fabienne. Elle a 56 ans et s’est préinstallée seule en chèvres angora dans le Périgord. Lui, c’est Olivier. Il a 63 ans. Il s’est installé de son côté en association en canard et oie dans la même région du Sud-Ouest. Dans le GAEC d’Olivier, le règlement intérieur stipulait que les couples n’étaient pas autorisés. Il sort du GAEC et s’installe en 2001 avec Fabienne sur ses terres familiales à Notre Dame de  Fresnay dans le Calvados. C’est Fabienne qui s’installe comme chef d’exploitation et Olivier, comme conjoint. Ils reprennent le projet de la ferme où était installé Olivier et créent la ferme de Livet.  Ils produisent aujourd’hui des canards, des oies, des poulets (Gournay) et des poules pondeuses sur 13ha. Leur objectif : être autonome. A la différence de beaucoup d’élevages, ils font tout de A à Z et le gavage est fait sur paille. Les volailles arrivent à 1 jour. Elles sont élevées, engraissées puis abattues sur place. C’est ce que l’on nomme un élevage autarcique. Complètement différent des élevages où tout est segmenté et où le risque sanitaire est plus élevé. Et ici, rien n’est perdu ! Tout est valorisé. Les carcasses sont cuites et décortiquées pour faire des rillettes. Leur ferme et ses produits trouvent leur place dans le paysage normand mais est remise en question en 2009 après la  rupture d’anévrisme de Fabienne. Elle restera 3 mois au CHU de Caen... Olivier pense à cette époque arrêter l’exploitation. Mais le soutien d’amis le font poursuivre et aide Fabienne à sa sortie dans sa rééducation. A quelques années de la retraite, ils pensent que leur production n’est pas transmissible. « Il y a deux épées de Damoclès : le gavage et la grippe aviaire. » Ils pensent que leur ferme peut néanmoins intéresser des projets nécessitant peu de foncier comme le maraîchage…

Nous, les volailles pas trop.

panneau ferme de livetIls s’appellent Clément, Gabrielle et Lucien. Ils ont tous les trois été salariés en même temps au Lycée Agricole du Robillard et sont devenus amis. Ils ont fait une tentative d’installation en collectif sur une ferme l’année précédente en bovin-lait avec transfo qui n’a pas été concluante. Ils connaissaient la ferme de Livet mais n’étaient à cette époque pas intéressés pas la production. « Non !  Nous, les volailles pas trop ! » Pourtant en 2023, ils rencontrent à quelques kilomètres de là, une éleveuse de brebis laitière à la recherche d’associés. Sa ferme est trop petite pour accueillir le collectif mais réunie avec la ferme de Livet, peut être suffisante. Le projet émerge. Le contrat de parrainage démarre sur les deux fermes mais assez rapidement s’interrompt sur la ferme voisine. Le collectif décide avec les cédants de continuer le projet d’installation sur la ferme de Livet. Ils ont « un coup de cœur pour la philosophie de la ferme, la façon de penser et de produire. » Même si Olivier et Fabienne avaient l’équivalent de 3,2 UTH avant de réduire l’activité,  le défi va être de dégager 3 rémunérations. Clément va ramener ses 50 brebis viande et leur suite. L’objectif sera d’en avoir 60. Pour Olivier, il faut qu’ils fassent 200 000 € de chiffre d’affaires à 3 associés  sachant que 70 % du chiffre d’affaires est réalisé sur les deux derniers mois de l’année. « Tu nous fais peur ». rétorque Gabrielle. « Je préfère te faire peur toute suite que de te voir l’année prochaine en difficulté » Olivier sait de quoi il parle, lui qui consacre une partie de son temps libre depuis plusieurs années à l’association Solidarité Paysans. Il vient d’ailleurs de  laisser son poste de président au niveau bas-normand et de trésorier au niveau normand. Les autres militants ne comprennent pas. Ils se disent qu’ils ont de la main d’œuvre supplémentaire sur la ferme… Olivier ne voit pas les choses de cette manière. Pour lui, il faut au contraire passer plus de temps pour assurer la transmission.

paperboard ferme de livetLes objectifs du parrainage

Dans le bureau du GAEC, sur des paperboards affichés on peut lire « Les objectifs du GAEC », « Les objectifs du parrainage », « Chantiers été 2024 » et « Capital Social estimations ». Le montant de reprise est estimé entre 250 000 € et 260 000 €. Dans la reprise, il y a 6,5 ha de terres, le corps de ferme, le matériel et les stocks. Aux yeux de Gabrielle, Fabienne et Olivier sont «des gens qui veulent transmettre ». Ils tiennent compte, par exemple, dans le montant de reprise du labo de transfo qui a été subventionné à 40 %. Et ils viennent même d’investir dans 15 000 € de matériel de fenaison ! « Ils veulent faire leur foin. C’est plus logique que ce soit la ferme qui investisse. S’ils ne s’installent pas, on revend.» Fabienne ajoute « Ils trouvent que nous sommes à l’écoute et que nous répondons à leurs demandes pour qu’ils s’installent. » L’installation est prévue au 1er décembre prochain. Olivier sera en retraite le 1er novembre 2024. Fabienne de son côté sera salariée sur la ferme pendant 3 à 4 ans à moins d’un mi-temps. Olivier et Fabienne ne vont plus habiter sur le corps de ferme à partir de septembre prochain. Dans un premier temps, ils seront locataire d’une maison à quelques kilomètres et loueront leur maison à Gabrielle et son compagnon. Ils ne leur vendront qu’une fois l’installation réalisée. « ça nous fera bizarre de venir travailler là où nous avons vécu ! »

Sophie MARTINET