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Le 22 octobre 2020, à l’occasion d’une formation du groupe ovins, nous avons échangé sur la gestion du parasitisme en élevage ovin. L’objectif de cette journée était de mieux comprendre le fonctionnement des parasites internes dans la prairie et dans l'animal et connaître les leviers d’actions pour gérer au mieux la pression parasitaire et ne traiter que lorsque c’est nécessaire.

 

RÉSISTANCES AUX ANTIPARASITAIRES : OÙ EN EST-ON?

Tout d’abord, un rapide état des lieux sur les résistances aux antiparasitaires : de plus en plus de résistances sont observées chez les populations de strongles gastro-intestinaux infestants les petits ruminants. Actuellement, dans les bassins laitiers, les traitements de type benzemidazoles n’ont quasiment plus d’efficacité et des résistances aux lévamisoles et aux avermectines (ivermectine, moxidectine) commencent à être recensées. Bien que provenant principalement des bassins laitiers, les études menées sur les résistances aux antiparasitaires laissent penser que ces résistances peuvent être observées partout en France (y compris en Normandie !) et dans les élevages d’ovins viande.
L’utilisation de vermifuges basés sur une même molécule sur tous les animaux et de manière trop importante élimine tous les parasites « sensibles aux traitements ». Les parasites résistants sont ainsi sélectionnés et se développeront mieux au prochain cycle. Il est également possible pour un parasite de développer une multirésistance, résistances à plusieurs antiparasitaires. Il est alors d’autant plus difficile de trouver un traitement efficace que le parasite est multirésistant.
La quantité de molécules antiparasitaires disponibles n’étant pas infinie, il est donc capital de limiter le développement de ces résistances en réduisant l’utilisation de vermifuges.


COMMENT SAVOIR S’IL Y A DES RÉSISTANCES SUR UNE EXPLOITATION ?

Lors d’un vermifuge anti-strongles par exemple, l’objectif visé est la disparition des œufs de strongles dans les déjections des animaux. Pour savoir s’il y a des résistances, il suffit de savoir si cet objectif est atteint.
Pour cela, il est possible de réaliser deux coproscopies de mélange sur 7-8 animaux par traitement. La première coproscopie est réalisée au moment du traitement et la seconde 10 à 15 jours après le traitement. Bien que cette méthode ne permette pas de mesurer exactement le niveau de résistance aux antiparasitaires, elle permet de se rendre compte rapidement de l’efficacité relative du traitement testé.


COMMENT FAIRE POUR ÉVITER UNE PRESSION PARASITAIRE TROP IMPORTANTE SUR LES OVINS, TOUT EN LIMITANT L’UTILISATION D’ANTIPARASITAIRES ?
Le premier levier à mettre en place est d’évaluer la menace avant de traiter, par des analyses (coproscopie pour les strongles, sérologie pour la grande douve, observation de l’état des animaux, observation de la 3e paupière pour déceler une éventuelle anémie, autopsie de le cas d’une mort inexpliquée). Le traitement est-il nécessaire ? Sur quels animaux ? brebis 3e paupiere

Observation de la 3e paupière sur une brebis

 

Au sein d’un même lot, certains animaux sont plus sensibles aux parasites que les autres. L’utilisation des vermifuges de manière ciblée permet à ceux-ci de faire face à la pression parasitaire, sans pour autant pénaliser l’acquisition d’une immunité dans le reste du troupeau.


D'autres leviers pour gérer au mieux la pression des parasites sont mobilisables :

  • La gestion du pâturage
  • La gestion des animaux et la création d’une immunité
  • Le travail de sélection d’animaux résistants aux parasites
  • L’utilisation d’alicaments (phytothérapie, pâturage médicamenteux…)


COMMENT GÉRER LE PÂTURAGE POUR RÉDUIRE LA PRESSION PARASITAIRE ?

La première étape pour évaluer ses pratiques de pâturage, c’est de distinguer sur son parcellaire les parcelles les plus saines, celles sur lesquelles les animaux ont le Article parasitisme ovins (2)moins de risque d’être infestés, et les parcelles “à risque”, celles sur lesquelles à un moment donné de l’année le risque parasitaire est fort Le caractère sain d’une parcelle dépend de son historique (nature, pâturage…) : une prairie nouvellement implantée sera plus saine qu’une prairie de pâturage continu sur laquelle des animaux ont déjà excrété des parasites pendant plusieurs mois. De même, les parcelles fauchées, les parcours encore non paturés dans la saison, les prairies non pâturées depuis plus de 60 jours et les couverts sont aussi des parcelles dites “saines”. A contrario, les prairies qui sont déjà pâturées depuis plusieurs mois par des animaux non immunisés (ex. agneaux) et donc excréteurs, sont des parcelles dites “à risque”.

L’historique des animaux et des parcelles qu’ils pâturent expliquent très souvent les cas de parasitisme qu’on observe : lorsqu’on voit un lot qui perd de l’état ou qui est malade, il faut se poser la question de « qu’est ce qu’il s’est passé pour ce lot au cours de l’année passée ? sur quelles parcelles ils ont pâturées (parcelles saines? parcelles à risques?) ? avec qui ? ». Ne pas hésiter à écrire les choses pour se souvenir 😉

De manière générale, pour diminuer la pression parasitaire, le pâturage tournant est à favoriser par rapport au pâturage continu.

Un temps de présence court sur les paddocks permet de limiter une nouvelle infestation par les parasites excrétés. Cela dépend de la période prépatante des parasites (=temps entre le moment où l'animal est infesté par le parasite et la ponte des œufs par ce-dernier). En effet, cette dernière est variable selon les conditions climatiques. Au printemps, on peut viser environ 3 jours de présence sur un même paddock pour des ovins, pour éviter une ré-infestation par les strongles digestifs. A noter que cette durée de 3 jours permet également de limiter le surpâturage : au bout de 3 jours au printemps, les premières feuilles de l’herbe pâturée réapparaissent et sont préférentiellement mangées par les brebis. Un temps de présence court permet donc de mieux valoriser la ressource fourragère.

De même, il est important de ne pas faire pâturer les jeunes trop ras car les parasites sont principalement sur les premiers centimètres d’herbe. Ceci est particulièrement vrai à partir du printemps et en été lorsque l’activité de ponte et de développement des strongles est à son maximum.

Il faut également compter un temps de retour sur le paddock suffisamment long. Généralement, ce temps est de 21 jours au printemps pour valoriser au mieux la ressource fourragère. Cependant, ce temps peut ne pas être assez long pour diminuer suffisamment la pression parasitaire. Plus le temps de retour sera long, moins il persistera de parasites dans la prairie. Il faut donc trouver un compromis entre la valorisation de l’herbe et la gestion de la pression parasitaire (et les contraintes de son exploitation).

 

COMMENT FAVORISER UNE IMMUNITÉ CHEZ SES ANIMAUX ?

La création d’une immunité est un levier important de la gestion des parasites. Les jeunes doivent être mis en contact avec les parasites de manière progressive et le plus tard possible. Là encore, la gestion du pâturage est importante : les parcelles saines sont donc à prioriser pour les jeunes animaux (couverts, prairies naturellement implantées…). Il faut compter généralement 4 à 6 mois pour la construction de l’immunité contre le ténia et 8 mois environ pour l’immunité contre les strongles.

De même, il est important de maintenir une stabilité parasitaire (=équilibre entre l’animal et ses parasites) dans le troupeau. Environ 20% des animaux sont excréteurs de 80% des parasites. Une stabilité parasitaire permet de maintenir une immunité et permet ainsi aux animaux d'être en bonne santé avec une présence de parasites bien gérée. L’utilisation de « produits blancs » plutôt que des traitements forts suffira à diminuer la pression parasitaire.

Un dernier levier pour la construction d’une immunité durable est le travail de génétique. Certaines études en cours cherchent à sélectionner des races plus résistantes aux parasites. Cependant, le caractère de résistance parasitaire est actuellement peu pris en compte dans les schémas de sélection ovine en France. Et même si la sélection semble prometteuse, le processus reste très long avant de voir apparaître les premiers résultats (au moins 10 ans).

Pour résumer, pas de traitement en prévention de la mise à l’herbe pour que l’animal soit confronté au parasite et puisse développer son immunité, une gestion adaptée du pâturage, des analyses (coproscopie, sérologie, etc.) pour évaluer le degré d’infestation et un vermifuge dès que cela est nécessaire (et sur les animaux qui en ont besoin uniquement s’il y a de l’hétérogénéité dans le troupeau). Ainsi, moins de traitement, plus d’économies et moins de risque d’apparition de résistance des parasites aux antiparasitaires !

 

QUAND EST-IL DES ALICAMENTS (PLANTES, AROMATHÉRAPIE, ETC.) ? COMMENT LES UTILISER ?

Le pâturage médicamenteux semblerait être un levier de gestion du parasitisme. En effet, les plantes à tanins naturellement présentes ou implantées sont connues pour avoir des effets antiparasitaires (elles gêneraient la fixation des strongles dans la caillette). Cependant, on ne sait pas encore à quel point ces effets sont significatifs. Pour le plantain, d’après des expérimentations en bovins, il faut que les vaches ingèrent 5 kg de MS de plantain pendant 10 jours pour observer un effet anti?parasitaire, ce qui est bien au delà des ingestions constatées de manière spontanée sur des prairies multi-espèces “classiques” (où le plantain représente au maximum 10 à 15% du mélange). De plus, les moutons sont des animaux qui trient beaucoup ce qu’ils mangent et qui sont relativement peu curieux, il peut donc être nécessaire d’éduquer son troupeau à la diversité. Ainsi, pour provoquer l’automédication, il peut être intéressant de bloquer les animaux sur une petite surface avec les plantes qu’on souhaitent leur faire pâturer avec un fort chargement.

Pour limiter l’utilisation de traitements antiparasitaires chimiques, la phytothérapie peut aussi être une alternative de traitement. Cette méthode, pouvant stimuler l’immunité de l’animal, convient seulement aux faibles infestations car l’efficacité thérapeutique est limitée avec de faibles concentrations. Exemples de plantes : thym, origan, ail.

Une autre alternative est l’utilisation d’huile essentielle en aromathérapie. Ce traitement puissant permet de limiter les résistances chez les parasites mais certaines huiles essentielles peuvent aussi avoir des effets indésirables. Par exemple, les huiles essentielles de boldo et de clou de girofle sont efficaces contre les parasites mais sont connues pour avoir un effet avortif. Il est donc important de se former avant de se tourner vers l’aromathérapie !

 

POUR ALLER PLUS LOIN :

  • Radio Ovins – Episode 1: Les résistances antiparasitaires, IDELE, 2017. En savoir plus
  • La gestion raisonnée du parasitisme chez les bovins et les ovins : conseils et bonnes pratiques pour les éleveurs, Natagriwal et la Faculté de Médecine Vétérinaire de l’Université de Liège, septembre 2016. En savoir plus